Papiers poussiéreux

Kazuya écarquilla les yeux d'étonnements avant d'afficher un grand sourire, provoqué par la satisfaction que lui procurait l'intérêt d'Akira pour son clan. Il leva ensuite les yeux vers le plafond, comme pour essayer de se remémorer l'histoire intégralement. Il en avait beaucoup à dire et il cherchait l'événement par lequel commencer.

"Je connais la totalité de l'histoire de mon clan à un détail près, sa fondation. L'histoire que je vais te compter aura donc des péripéties, mais ni début ni fin, je te prie de m'en excuser par avance.

Quoiqu'il en soit, la légende veut que mon clan ait été fondé à une date contemporaine de celle du village du Kumo, auquel il a toujours été fidèle. Très rapidement, il devint un élément clé de la protection du village et de ses intérêts, notamment par la force physique dont mes ancêtres faisaient preuve. Grâce aux années, ils parvinrent à l'exploiter à son plein potentiel, en créant une école de combat utilisant au mieux les possibilités de leur corps, une méthode de combat rapide, simple et efficace, redoutable en somme.

Avec le temps, mon clan était devenu une valeur sûre sur laquelle le Raikage pouvait toujours compter, fidèle et brave. Les miens ne furent jamais intéressés par les affaires politiques si bien qu'ils n'ébranlèrent jamais la stabilité du village. Parallèlement, notre maîtrise du Taijutsu et notre force furent utilisées pour maintenir l'ordre au sein de Kumo, mais également pour monter des unités combattantes, la furtivité et le renseignement n'ayant jamais été une de nos qualités.

Les Mishima dépassèrent un nouveau cap après la nomination de Jinpachi Mishima comme chef de clan. Il fut le premier des nôtres à maîtriser le Nintaijutsu, ce qui lui permit d'atteindre une toute autre dimension dans l'art du combat. Assez rapidement, ses bras droits parvinrent à l'utiliser également, renforçant encore plus notre rôle clé dans la défense du village.

Notre descente aux enfers vint presque aussitôt. La Troisième Grande Guerre Ninja eut raison de nous."

La voix de Kazuya changea du tout au tout. Même si son visage ne voulait rien laisser transparaître, la vive émotion qui l'atteint en contant ce récit était perceptible.

"Le Raikage en personne confia une mission capitale à Jinpachi, mon grand-père, père de Heihachi, mon père. L'illustre Mishima répondit présent et demanda à être accompagné de ses bras droits, une véritable équipe de choc, à la hauteur de la mission qu'on leur avait confié. Ils n'en revinrent jamais.

On ne trouva aucune trace d'eux, comme s'ils s'étaient volatilisés. Pendant un temps, le clan parvint à rester souder, tous unis dans l'adversité afin de poursuivre la mission que nous devions accomplir : protéger le village de Kumo, peu en importait le prix.

Néanmoins, la fin de la guerre marqua également la fin de notre paix interne. Très rapidement, le clan fut divisé en différentes factions luttant pour la direction de la famille. Il s'en suivit une succession de combats à mort sans que Kumo ne réagisse, chose que je ne comprends toujours pas aujourd'hui.

La guerre avait tué un grand nombre de valeureux combattants parmi les miens, mais cette lutte intestine termina l'œuvre. Lorsque le conflit fut terminé, mon père et ses partisans furent condamnés à l'exil. Pour ainsi dire, notre période de gloire était totalement révolue. Ceux restés à Kumo avaient gagné, mais ils ne dirigeaient plus grand chose en soi, une poignée de fanatiques tout au plus.

La grande majorité des survivants, comme je te le disais, fut donc condamnée à l'exil. Nous quittâmes tous, sans exception, le Pays de la Foudre, de peur des éventuelles représailles de la part de Kumo, suite à notre départ, mais également de l'éventuelle vendetta qui risquait d'être lancée par les vainqueurs de cette lutte fratricide. 

Nous fûmes dispersés aux quatre coins de pays proches, en particulier le Pays du Feu, le Pays de l'Eau et le Pays du Riz. De petites communautés furent formées et nombreux furent ceux qui arrêtèrent de pratiquer le Taijutsu au profit d'activités économiques civiles comme la construction ou le bûcheronnage. 

C'est ainsi que mes parents et quelques autres Mishima arrivèrent dans un petit village sans importance du Pays du Feu où ils développèrent des affaires florissantes. Mon père lui-même était rarement là, il voyageait beaucoup, à la fois parce qu'il pratiquait le mercenariat mais également parce qu'il était à la recherche des autres exilés, qu'il cherchait à réunir auprès de lui. 

Cette mission fut probablement sa plus grande réussite. Il parvint à réunir un grand nombre des survivants, qui ne tardèrent pas à nous rejoindre, renforçant notre poids économique dans les environs. Notre force et la qualité de notre travail nous permit de retrouver assez rapidement un certain confort de vie jusqu'à l'attaque du maudit Démon à Neufs Queues. Le village fut presque intégralement détruit, nous condamnant une nouvelle fois à l'exil. Mon père disparut par la même occasion, probablement tué, bien que nous n'ayons jamais retrouvé sa dépouille.

Heihachi, mon père, avait placé de nombreux espoirs en moi, de même qu'une très grande partie de la communauté en exil. La disparition de mon père et l'abandon du Taijutsu par la grande majorité d'entre eux posa très rapidement un problème de taille. Ils n'étaient pas en mesure de me fournir la formation dont j'avais besoin, et les doyens décidèrent donc l'installation du clan à Totsuka alors que j'étais encore un très jeune.

Je te passe les détails de ma jeunesse, mais je suis aujourd'hui l'héritier du clan, titre obtenu suite à un combat d'une très grande importance qui s'est déroulé il y a quelques années maintenant. En réalité, j'ai déjà presque le rôle du chef de clan, mais cela sera officialisé d'ici quelques temps au cours d'une cérémonie assez particulière. Maintenant l'avenir reste à écrire, et nous espérons tous qu'il sera plus radieux que notre passé."

Akira n'était pas resté insensible au récit du clan Mishima, et semblait croire dans les chances de Kazuya afin de restaurer cet honneur perdu. Une telle confession lui alla droit au coeur puisque, pour la première fois, un membre étranger au clan manifestait un tel soutien, bien qu'oral, mais suffisant pour se motiver à la tâche. 

"Quoiqu'il en soit, nous verrons ce qu'il adviendra. L'eau va encore couler sous les ponts avant de prét …"



Il s'arrêta net. La porte principale de la grande bâtisse venait de claquer et fit un boucan d'enfer. Kazuya leva son index et le rapprocha lentement de ses lèvres, incitant Akira à se faire le plus discret possible. Tout en s'approchant de la petite porte de la bibliothèque, il tendit l'oreille afin de distinguer l'origine d'un tel bruit. Un homme à la voix très grave, assez familière, rien d'inquiétant, mais il n'était pas seul.

Une autre voix s'était démarquée, et bien que moins profonde, elle glaça le sang de l'adolescent qui bondit en direction des livres éparpillés sur la table. Nul doute, il s'agissait bel et bien de sa mère, et celle-ci était visiblement dans une rage folle. Kazuya devança ses intentions, et tout en entendant les deux individus se diriger vers eux, il fourra aussi bien qu'il le put quelques uns des livres et les copies qu'avait réalisées Akira dans le sac de ce dernier, les lui arrachant littéralement des mains.

L'un des deux colosses de l'hôpital, Chôjun, entra en premier, faisant les gros yeux. D'un subtil geste de la main gauche, il indiqua à Kazuya que ce dernier allait passer un mauvais quart d'heure, et que sa mère était vraisemblablement dans une rage folle. Elle entra. Akira la reconnaîtrait à coup sûr, son teint de peau et ses cheveux étant exactement les mêmes que ceux de la femme sur le gigantesque portrait familial du hall d'entrée.

Étrangement, elle ne hurla pas et ne semblait pas réellement fâchée, mais plutôt paniquée, une des seules fois que Kazuya la vit ainsi. Elle scrutait la pièce de fond en comble comme un animal piégé un échappatoire. Son opération dura quelques instants, jusqu'à ce qu'elle pose son regard sur l'un des livres empilés sur la table. Elle le fixa avant de crier en direction du colosse.

"Je te l'avais bien dit Chôjun, je te l'avais bien dit ! Comment as-tu pu faire une telle chose, Kazuya ?!"

Elle prononça le nom de son fils à voix basse, comme vidée de son énergie. Il ne comprenait pas la raison d'une telle réaction, qu'avait-il bien pu faire pour la mettre dans un tel état ? Elle, qui ne manifeste généralement pas la moindre émotion ? Il resta la bouche pendante un instant devant ce spectacle, puis vint murmurer à l'oreille d'Akira qu'il devrait partir. Chôjun se rapprocha de ce dernier, prêt à l'escorter vers la sortie.

Simultanément, la mère prit les livres avant de les ranger à la hâte dans la bibliothèque, tout en cachant dans sa robe celui qui était à l'origine de sa vive réaction. Kazuya s'était incliné devant elle, en signe de repentance mais cela était loin d'être suffisant. Elle le tira par le col jusqu'à l'intérieur de la maison en passant par une porte dérobée ...